, vous l'avez entendue, c'est de vous poursuivre sur la terre au tribunal des hommes, dans le ciel au tribunal de Dieu ! " -- Ainsi, vous persistez ? " -- Je le jure devant ce Dieu qui m'entend : je prendrai le monde entier a tjmoin de votre crime, et cela jusqu'a ce que j'aie trouvj un vengeur. " -- Vous ktes une prostituje, dit-il d'une voix tonnante, et vous subirez le supplice des prostitujes ! Fljtrie aux yeux du monde que vous invoquerez, tvchez de prouver a ce monde que vous n'ktes ni coupable ni folle ! " " Puis s'adressant a l'homme qui l'accompagnait : " -- Bourreau, dit-il, fais ton devoir. " -- Oh ! son nom, son nom ! s'jcria Felton ; son nom, dites-le-moi ! -- Alors, malgrj mes cris, malgrj ma rjsistance, car je commenzais a comprendre qu'il s'agissait pour moi de quelque chose de pire que la mort, le bourreau me saisit, me renversa sur le parquet, me meurtrit de ses jtreintes, et suffoquje par les sanglots, presque sans connaissance, invoquant Dieu, qui ne m'jcoutait pas, je poussai tout a coup un effroyable cri de douleur et de honte ; un fer brylant, un fer rouge, le fer du bourreau, s'jtait imprimj sur mon jpaule. " Felton poussa un rugissement. " Tenez, dit Milady, en se levant alors avec une majestj de reine, -- tenez, Felton, voyez comment on a inventj un nouveau martyre pour la jeune fille pure et cependant victime de la brutalitj d'un scjljrat. Apprenez a connaotre le coeur des hommes, et djsormais faites-vous moins facilement l'instrument de leurs injustes vengeances. " Milady d'un geste rapide ouvrit sa robe, djchira la batiste qui couvrait son sein, et, rouge d'une feinte colire et d'une honte jouje, montra au jeune homme l'empreinte ineffazable qui djshonorait cette jpaule si belle. " Mais, s'jcria Felton, c'est une fleur de lys que je vois la ! -- Et voila justement oshch est l'infamie, rjpondit Milady. La fljtrissure d'Angleterre !... il fallait prouver quel tribunal me l'avait imposje, et j'aurais fait un appel public a tous les tribunaux du royaume ; mais la fljtrissure de France... oh ! par elle, j'jtais bien rjellement fljtrie. " C'en jtait trop pour Felton. Pvle, immobile, jcrasj par cette rjvjlation effroyable, jbloui par la beautj surhumaine de cette femme qui se djvoilait a lui avec une impudeur qu'il trouva sublime, il finit par tomber a genoux devant elle comme faisaient les premiers chrjtiens devant ces pures et saintes martyres que la persjcution des empereurs livrait dans le cirque a la sanguinaire lubricitj des populaces. La fljtrissure disparut, la beautj seule resta. " Pardon, pardon ! s'jcria Felton, oh ! pardon ! " Milady lut dans ses yeux : Amour, amour. " Pardon de quoi ? demanda-t-elle. -- Pardon de m'ktre joint a vos persjcuteurs. " Milady lui tendit la main. " Si belle, si jeune ! " s'jcria Felton en couvrant cette main de baisers. Milady laissa tomber sur lui un de ces regards qui d'un esclave font un roi. Felton jtait puritain : il quitta la main de cette femme pour baiser ses pieds. Il ne l'aimait djja plus, il l'adorait. Quand cette crise fut passje, quand Milady parut avoir recouvrj son sang-froid, qu'elle n'avait jamais perdu ; lorsque Felton eut vu se refermer sous le voile de la chastetj ces trjsors d'amour qu'on ne lui cachait si bien que pour les lui faire djsirer plus ardemment : " Ah ! maintenant, dit-il, je n'ai plus qu'une chose a vous demander, c'est le nom de votre vjritable bourreau ; car pour moi il n'y en a qu'un ; l'autre jtait l'instrument, voila tout. -- Eh quoi, frire ! s'jcria Milady, il faut encore que je te le nomme, et tu ne l'as pas devinj ? -- Quoi ! reprit Felton, lui !... encore lui !... toujours lui !... Quoi ! le vrai coupable... -- Le vrai coupable, dit Milady, c'est le ravageur de l'Angleterre, le persjcuteur des vrais croyants, le lvche ravisseur de l'honneur de tant de femmes, celui qui pour un caprice de son coeur corrompu va faire verser tant de sang a deux royaumes, qui protige les protestants aujourd'hui et qui les trahira demain... -- Buckingham ! c'est donc Buckingham ! " s'jcria Felton exaspjrj. Milady cacha son visage dans ses mains, comme si elle n'eyt pu supporter la honte que lui rappelait ce nom. " Buckingham, le bourreau de cette angjlique crjature ! s'jcria Felton. Et tu ne l'as pas foudroyj, mon Dieu ! et tu l'as laissj noble, honorj, puissant pour notre perte a tous ! -- Dieu abandonne qui s'abandonne lui-mkme, dit Milady. -- Mais il veut donc attirer sur sa tkte le chvtiment rjservj aux maudits ! continua Felton avec une exaltation croissante, il veut donc que la vengeance humaine prjvienne la justice cjleste ! -- Les hommes le craignent et l'jpargnent. -- Oh ! moi, dit Felton, je ne le crains pas et je ne l'jpargnerai pas !... " Milady sentit son vme baignje d'une joie infernale. " Mais comment Lord de Winter, mon protecteur, mon pire, demanda Felton, se trouve-t-il mklj a tout cela ? -- Ecoutez, Felton, reprit Milady, car a cftj des hommes lvches et mjprisables, il est encore des natures grandes et gjnjreuses. J'avais un fiancj, un homme que j'aimais et qui m'aimait ; un coeur comme le vftre, Felton, un homme comme vous. Je vins a lui et je lui racontai tout ;, il me connaissait, celui-la, et ne douta point un instant. C'jtait un grand seigneur, c'jtait un homme en tout point l'jgal de Buckingham. Il ne dit rien, il ceignit seulement son jpje, s'enveloppa de son manteau et se rendit a Buckingham Palace. -- Oui, oui, dit Felton, je comprends ; quoique avec de pareils hommes ce ne soit pas l'jpje qu'il faille employer, mais le poignard. -- Buckingham jtait parti depuis la veille, envoyj comme ambassadeur en Espagne, oshch il allait demander la main de l'infante pour le roi Charles Ier, qui n'jtait alors que prince de Galles. Mon fiancj revint. " -- Ecoutez, me dit-il, cet homme est parti, et pour le moment, par consjquent, il jchappe a ma vengeance ; mais en attendant soyons unis, comme nous devions l'ktre, puis rapportez-vous-en a Lord de Winter pour soutenir son honneur et celui de sa femme. " -- Lord de Winter ! s'jcria Felton. -- Oui, dit Milady, Lord de Winter, et maintenant vous devez tout comprendre, n'est-ce pas ? Buckingham resta plus d'un an absent. Huit jours avant son arrivje, Lord de Winter mourut subitement, me laissant sa seule hjritiire. D'oshch venait le coup ? Dieu, qui sait tout, le sait sans doute, moi je n'accuse personne... -- Oh ! quel abome, quel abome ! s'jcria Felton. -- Lord de Winter jtait mort sans rien dire a son frire. Le secret terrible devait ktre cachj a tous, jusqu'a ce qu'il jclatvt comme la foudre sur la tkte du coupable. Votre protecteur avait vu avec peine ce mariage de son frire aonj avec une jeune fille sans fortune. Je sentis que je ne pouvais attendre d'un homme trompj dans ses espjrances d'hjritage aucun appui. Je passai en France rjsolue a y demeurer pendant tout le reste de ma vie. Mais toute ma fortune est en Angleterre ; les communications fermjes par la guerre, tout me manqua : force fut alors d'y revenir ; il y a six jours j'abordais a Portsmouth. -- Eh bien ? dit Felton. -- Eh bien, Buckingham apprit sans doute mon retour, il en parla a Lord de Winter, djja prjvenu contre moi, et lui dit que sa belle-soeur jtait une prostituje, une femme fljtrie. La voix pure et noble de mon mari n'jtait plus la pour me djfendre. Lord de Winter crut tout ce qu'on lui dit, avec d'autant plus de facilitj qu'il avait intjrkt a le croire. Il me fit arrkter, me conduisit ici, me remit sous votre garde. Vous savez le reste : apris-demain il me bannit, il me djporte ; apris-demain il me religue parmi les infvmes. Oh ! la trame est bien ourdie, allez ! le complot est habile et mon honneur n'y survivra pas. Vous voyez bien qu'il faut que je meure, Felton ; Felton, donnez-moi ce couteau ! " Et a ces mots, comme si toutes ses forces jtaient jpuisjes, Milady se laissa aller djbile et languissante entre les bras du jeune officier, qui, ivre d'amour, de colire et de voluptjs inconnues, la rezut avec transport, la serra contre son coeur, tout frissonnant a l'haleine de cette bouche si belle, tout jperdu au contact de ce sein si palpitant. " Non, non, dit-il ; non, tu vivras honorje et pure, tu vivras pour triompher de tes ennemis. " Milady le repoussa lentement de la main en l'attirant du regard ; mais Felton, a son tour, s'empara d'elle, l'implorant comme une divinitj. " Oh ! la mort, la mort ! dit-elle en voilant sa voix et ses paupiires, oh ! la mort plutft que la honte ; Felton, mon frire, mon ami, je t'en conjure ! -- Non, s'jcria Felton, non, tu vivras, et tu seras vengje ! -- Felton, je porte malheur a tout ce qui m'entoure ! Felton, abandonne-moi ! Felton, laisse-moi mourir ! -- Eh bien, nous mourrons donc ensemble ! " s'jcria-t-il en appuyant ses livres sur celles de la prisonniire. Plusieurs coups retentirent a la porte ; cette fois, Milady le repoussa rjellement. " Ecoute, dit-elle, on nous a entendus, on vient ! c'en est fait, nous sommes perdus ! -- Non, dit Felton, c'est la sentinelle qui me prjvient seulement qu'une ronde arrive. -- Alors, courez a la porte et ouvrez vous-mkme. " Felton objit ; cette femme jtait djja toute sa pensje, toute son vme. Il se trouva en face d'un sergent commandant une patrouille de surveillance. " Eh bien, qu'y a-t-il ? demanda le jeune lieutenant. -- Vous m'aviez dit d'ouvrir la porte si j'entendais crier au secours, dit le soldat, mais vous aviez oublij de me laisser la clef ; je vous ai entendu crier sans comprendre ce que vous disiez, j'ai voulu ouvrir la porte, elle jtait fermje en dedans, alors j'ai appelj le sergent. -- Et me voila " , dit le sergent. Felton, jgarj, presque fou, demeurait sans voix. Milady comprit que c'jtait a elle de s'emparer de la situation, elle courut a la table et prit le couteau qu'y avait djposj Felton : " Et de quel droit voulez-vous m'empkcher de mourir ? dit-elle. -- Grand Dieu ! " s'jcria Felton en voyant le couteau luire a sa main. En ce moment, un jclat de rire ironique retentit dans le corridor. Le baron, attirj par le bruit, en robe de chambre, son jpje sous le bras, se tenait debout sur le seuil de la porte. " Ah ! ah ! dit-il, nous voici au dernier acte de la tragjdie ; vous le voyez, Felton, le drame a suivi toutes les phases que j'avais indiqujes ; mais soyez tranquille, le sang ne coulera pas. " Milady comprit qu'elle jtait perdue si elle ne donnait pas a Felton une preuve immjdiate et terrible de son courage. " Vous vous trompez, Milord, le sang coulera, et puisse ce sang retomber sur ceux qui le font couler ! " Felton jeta un cri et se prjcipita vers elle ; il jtait trop tard : Milady s'jtait frappje. Mais le couteau avait rencontrj, heureusement, nous devrions dire adroitement, le busc de fer qui, a cette jpoque, djfendait comme une cuirasse la poitrine des femmes ; il avait glissj en djchirant la robe, et avait pjnjtrj de biais entre la chair et les cftes. La robe de Milady n'en fut pas moins tachje de sang en une seconde. Milady jtait tombje a la renverse et semblait jvanouie. Felton arracha le couteau. " Voyez, Milord, dit-il d'un air sombre, voici une femme qui jtait sous ma garde et qui s'est tuje ! -- Soyez tranquille, Felton, dit Lord de Winter, elle n'est pas morte, les djmons ne meurent pas si facilement, soyez tranquille et allez m'attendre chez moi. -- Mais, Milord... -- Allez, je vous l'ordonne. " A cette injonction de son supjrieur, Felton objit ; mais, en sortant, il mit le couteau dans sa poitrine. Quant a Lord de Winter, il se contenta d'appeler la femme qui servait Milady et, lorsqu'elle fut venue, lui recommandant la prisonniire toujours jvanouie, il la laissa seule avec elle. Cependant, comme a tout prendre, malgrj ses soupzons, la blessure pouvait ktre grave, il envoya, a l'instant mkme, un homme a cheval chercher un mjdecin. CHAPITRE LVIII. EVASION Comme l'avait pensj Lord de Winter, la blessure de Milady n'jtait pas dangereuse ; aussi dis qu'elle se trouva seule avec la femme que le baron avait fait appeler et qui se hvtait de la djshabiller, rouvrit-elle les yeux. Cependant, il fallait jouer la faiblesse et la douleur ; ce n'jtaient pas choses difficiles pour une comjdienne comme Milady ; aussi la pauvre femme fut-elle si complitement dupe de sa prisonniire, que, malgrj ses instances, elle s'obstina a la veiller toute la nuit. Mais la prjsence de cette femme n'empkchait pas Milady de songer. Il n'y avait plus de doute, Felton jtait convaincu, Felton jtait a elle : un ange apparyt-il au jeune homme pour accuser Milady, il le prendrait certainement, dans la disposition d'esprit oshch il se trouvait, pour un envoyj du djmon. Milady souriait a cette pensje, car Felton, c'jtait djsormais sa seule espjrance, son seul moyen de salut. Mais Lord de Winter pouvait l'avoir soupzonnj, mais Felton maintenant pouvait ktre surveillj lui-mkme. Vers les quatre heures du matin, le mjdecin arriva ; mais depuis le temps oshch Milady s'jtait frappje, la blessure s'jtait djja refermje : le mjdecin ne put donc en mesurer ni la direction, ni la profondeur ; il reconnut seulement au pouls de la malade que le cas n'jtait point grave. Le matin, Milady, sous prjtexte qu'elle n'avait pas dormi de la nuit et qu'elle avait besoin de repos, renvoya la femme qui veillait pris d'elle. Elle avait une espjrance, c'est que Felton arriverait a l'heure du djjeuner, mais Felton ne vint pas. Ses craintes s'jtaient-elles rjalisjes ? Felton, soupzonnj par le baron, allait-il lui manquer au moment djcisif ? Elle n'avait plus qu'un jour : Lord de Winter lui avait annoncj son embarquement pour le 23 et l'on jtait arrivj au matin du 22. Njanmoins, elle attendit encore assez patiemment jusqu'a l'heure du doner. Quoiqu'elle n'eyt pas mangj le matin, le doner fut apportj a l'heure habituelle ; Milady s'aperzut alors avec effroi que l'uniforme des soldats qui la gardaient jtait changj. Alors elle se hasarda a demander ce qu'jtait devenu Felton. On lui rjpondit que Felton jtait montj a cheval il y avait une heure, et jtait parti. Elle s'informa si le baron jtait toujours au chvteau ; le soldat rjpondit que oui, et qu'il avait ordre de le prjvenir si la prisonniire djsirait lui parler. Milady rjpondit qu'elle jtait trop faible pour le moment, et que son seul djsir jtait de demeurer seule. Le soldat sortit, laissant le doner servi. Felton jtait jcartj, les soldats de marine jtaient changjs, on se djfiait donc de Felton. C'jtait le dernier coup portj a la prisonniire. Restje seule, elle se leva ; ce lit oshch elle se tenait par prudence et pour qu'on la cryt gravement blessje, la brylait comme un brasier ardent. Elle jeta un coup d'oeil sur la porte : le baron avait fait clouer une planche sur le guichet ; il craignait sans doute que, par cette ouverture, elle ne parvont encore, par quelque moyen diabolique, a sjduire les gardes. Milady sourit de joie ; elle pouvait donc se livrer a ses transports sans ktre observje : elle parcourait la chambre avec l'exaltation d'une folle furieuse ou d'une tigresse enfermje dans une cage de fer. Certes, si le couteau lui fyt restj, elle eyt songj, non plus a se tuer elle-mkme, mais, cette fois, a tuer le baron. A six heures, Lord de Winter entra ; il jtait armj jusqu'aux dents. Cet homme, dans lequel, jusque-la, Milady n'avait vu qu'un gentleman assez niais, jtait devenu un admirable geflier : il semblait tout prjvoir, tout deviner, tout prjvenir. Un seul regard jetj sur Milady lui apprit ce qui se passait dans son vme. " Soit, dit-il, mais vous ne me tuerez point encore aujourd'hui ; vous n'avez plus d'armes, et d'ailleurs je suis sur mes gardes. Vous aviez commencj a pervertir mon pauvre Felton : il subissait djja votre infernale influence, mais je veux le sauver, il ne vous verra plus, tout est fini. Rassemblez vos hardes, demain vous partirez. J'avais fixj l'embarquement au 24, mais j'ai pensj que plus la chose serait rapprochje, plus elle serait syre. Demain a midi j'aurai l'ordre de votre exil, signj Buckingham. Si vous dites un seul mot a qui que ce soit avant d'ktre sur le navire, mon sergent vous fera sauter la cervelle, et il en a l'ordre ; si, sur le navire, vous dites un mot a qui que ce soit avant que le capitaine vous le permette, le capitaine vous fait jeter a la mer, c'est convenu. Au revoir, voila ce que pour aujourd'hui j'avais a vous dire. Demain je vous reverrai pour vous faire mes adieux ! " Et sur ces paroles le baron sortit. Milady avait jcoutj toute cette menazante tirade le sourire du djdain sur les livres, mais la rage dans le coeur. On servit le souper ; Milady sentit qu'elle avait besoin de forces, elle ne savait pas ce qui pouvait se passer pendant cette nuit qui s'approchait menazante, car de gros nuages roulaient au ciel, et des jclairs lointains annonzaient un orage. L'orage jclata vers les dix heures du soir : Milady sentait une consolation a voir la nature partager le djsordre de son coeur ; la foudre grondait dans l'air comme la colire dans sa pensje ; il lui semblait que la rafale, en passant, jchevelait son front comme les arbres dont elle courbait les branches et enlevait les feuilles ; elle hurlait comme l'ouragan, et sa voix se perdait dans la grande voix de la nature, qui, elle aussi, semblait gjmir et se djsespjrer. Tout a coup elle entendit frapper a une vitre, et, a la lueur d'un jclair, elle vit le visage d'un homme apparaotre derriire les barreaux. Elle courut a la fenktre et l'ouvrit. " Felton ! s'jcria-t-elle, je suis sauvje ! -- Oui, dit Felton ! mais silence, silence ! il me faut le temps de scier vos barreaux. Prenez garde seulement qu'ils ne vous voient par le guichet. -- Oh ! c'est une preuve que le Seigneur est pour nous, Felton, reprit Milady, ils ont fermj le guichet avec une planche. -- C'est bien, Dieu les a rendus insensjs ! dit Felton. -- Mais que faut-il que je fasse ? demanda Milady. -- Rien, rien ; refermez la fenktre seulement. Couchez-vous, ou, du moins, mettez-vous dans votre lit tout habillje ; quand j'aurai fini, je frapperai aux carreaux. Mais pourrez-vous me suivre ? -- Oh ! oui. -- Votre blessure ? -- Me fait souffrir, mais ne m'empkche pas de marcher. -- Tenez-vous donc prkte au premier signal. " Milady referma la fenktre, jteignit la lampe, et alla, comme le lui avait recommandj Felton, se blottir dans son lit. Au milieu des plaintes de l'orage, elle entendait le grincement de la lime contre les barreaux, et, a la lueur de chaque jclair, elle apercevait l'ombre de Felton derriire les vitres. Elle passa une heure sans respirer, haletante, la sueur sur le front, et le coeur serrj par une jpouvantable angoisse a chaque mouvement qu'elle entendait dans le corridor. Il y a des heures qui durent une annje. Au bout d'une heure, Felton frappa de nouveau. Milady bondit hors de son lit et alla ouvrir. Deux barreaux de moins formaient une ouverture a passer un homme. " Etes-vous prkte ? demanda Felton. -- Oui. Faut-il que j'emporte quelque chose ? -- De l'or, si vous en avez. -- Oui, heureusement on m'a laissj ce que j'en avais. -- Tant mieux, car j'ai usj tout le mien pour frjter une barque. -- Prenez " , dit Milady en mettant aux mains de Felton un sac plein d'or. Felton prit le sac et le jeta au pied du mur. " Maintenant, dit-il, voulez-vous venir ? -- Me voici. " Milady monta sur un fauteuil et passa tout le haut de son corps par la fenktre : elle vit le jeune officier suspendu au-dessus de l'abome par une jchelle de corde. Pour la premiire fois, un mouvement de terreur lui rappela qu'elle jtait femme. Le vide l'jpouvantait. " Je m'en jtais doutj, dit Felton. -- Ce n'est rien, ce n'est rien, dit Milady, je descendrai les yeux fermjs. -- Avez-vous confiance en moi ? dit Felton. -- Vous le demandez ? -- Rapprochez vos deux mains ; croisez-les, c'est bien. " Felton lui lia les deux poignets avec son mouchoir, puis par-dessus le mouchoir, avec une corde. " Que faites-vous ? demanda Milady avec surprise. -- Passez vos bras autour de mon cou et ne craignez rien. -- Mais je vous ferai perdre l'jquilibre, et nous nous briserons tous les deux. -- Soyez tranquille, je suis marin. " Il n'y avait pas une seconde a perdre ; Milady passa ses deux bras autour du cou de Felton et se laissa glisser hors de la fenktre. Felton se mit a descendre les jchelons lentement et un a un. Malgrj la pesanteur des deux corps, le souffle de l'ouragan les balanzait dans l'air. Tout a coup Felton s'arrkta. " Qu'y a-t-il ? demanda Milady. -- Silence, dit Felton, j'entends des pas. -- Nous sommes djcouverts ! " Il se fit un silence de quelques instants. " Non, dit Felton, ce n'est rien. -- Mais enfin quel est ce bruit ? -- Celui de la patrouille qui va passer sur le chemin de ronde. -- Oshch est le chemin de ronde ? -- Juste au-dessous de nous. -- Elle va nous djcouvrir. -- Non, s'il ne fait pas d'jclairs. -- Elle heurtera le bas de l'jchelle. -- Heureusement elle est trop courte de six pieds. -- Les voila, mon Dieu ! -- Silence ! " Tous deux restirent suspendus, immobiles et sans souffle, a vingt pieds du sol ; pendant ce temps les soldats passaient au-dessous riant et causant. Il y eut pour les fugitifs un moment terrible. La patrouille passa ; on entendit le bruit des pas qui s'jloignait, et le murmure des voix qui allait s'affaiblissant. " Maintenant, dit Felton, nous sommes sauvjs. " Milady poussa un soupir et s'jvanouit. Felton continua de descendre. Parvenu au bas de l'jchelle, et lorsqu'il ne sentit plus d'appui pour ses pieds, il se cramponna avec ses mains ; enfin, arrivj au dernier jchelon, il se laissa pendre a la force des poignets et toucha la terre. Il se baissa, ramassa le sac d'or et le prit entre ses dents. Puis il souleva Milady dans ses bras, et s'jloigna vivement du cftj opposj a celui qu'avait pris la patrouille. Bientft il quitta le chemin de ronde, descendit a travers les rochers, et, arrivj au bord de la mer, fit entendre un coup de sifflet. Un signal pareil lui rjpondit, et, cinq minutes apris, il vit apparaotre une barque montje par quatre hommes. La barque s'approcha aussi pris qu'elle put du rivage, mais il n'y avait pas assez de fond pour qu'elle pyt toucher le bord ; Felton se mit a l'eau jusqu'a la ceinture, ne voulant confier a personne son prjcieux fardeau. Heureusement la tempkte commenzait a se calmer, et cependant la mer jtait encore violente ; la petite barque bondissait sur les vagues comme une coquille de noix. " Au sloop, dit Felton, et nagez vivement. " Les quatre hommes se mirent a la rame ; mais la mer jtait trop grosse pour que les avirons eussent grande prise dessus. Toutefois on s'jloignait du chvteau ; c'jtait le principal. La nuit jtait profondjment tjnjbreuse, et il jtait djja presque impossible de distinguer le rivage de la barque, a plus forte raison n'eyt-on pas pu distinguer la barque du rivage. Un point noir se balanzait sur la mer. C'jtait le sloop. Pendant que la barque s'avanzait de son cftj de toute la force de ses quatre rameurs, Felton djliait la corde, puis le mouchoir qui liait les mains de Milady. Puis, lorsque ses mains furent djlijes, il prit de l'eau de la mer et la lui jeta au visage. Milady poussa un soupir et ouvrit les yeux. " Oshch suis-je ? dit-elle. -- Sauvje, rjpondit le jeune officier. -- Oh ! sauvje ! sauvje ! s'jcria-t-elle. Oui, voici le ciel, voici la mer ! Cet air que je respire, c'est celui de la libertj. Ah !... merci, Felton, merci ! " Le jeune homme la pressa contre son coeur. " Mais qu'ai-je donc aux mains ? demanda Milady ; il me semble qu'on m'a brisj les poignets dans un jtau. " En effet, Milady souleva ses bras : elle avait les poignets meurtris. " Hjlas ! dit Felton en regardant ces belles mains et en secouant doucement la tkte. -- Oh ! ce n'est rien, ce n'est rien ! s'jcria Milady : maintenant je me rappelle ! " Milady chercha des yeux autour d'elle. " Il est la " , dit Felton en poussant du pied le sac d'or. On s'approchait du sloop. Le marin de quart hjla la barque, la barque rjpondit. " Quel est ce bvtiment ? demanda Milady. -- Celui que j'ai frjtj pour vous. -- Oshch va-t-il me conduire ? -- Oshch vous voudrez, pourvu que, moi, vous me jetiez a Portsmouth. -- Qu'allez-vous faire a Portsmouth ? demanda Milady. -- Accomplir les ordres de Lord de Winter, dit Felton avec un sombre sourire. -- Quels ordres ? demanda Milady. -- Vous ne comprenez donc pas ? dit Felton. -- Non ; expliquez-vous, je vous en prie. -- Comme il se djfiait de moi, il a voulu vous garder lui-mkme, et m'a envoyj a sa place faire signer a Buckingham l'ordre de votre djportation. -- Mais s'il se djfiait de vous, comment vous a-t-il confij cet ordre ? -- Etais-je censj savoir ce que je portais ? -- C'est juste. Et vous allez a Portsmouth ? -- Je n'ai pas de temps a perdre : c'est demain le 23, et Buckingham part demain avec la flotte. -- Il part demain, pour oshch part-il ? -- Pour La Rochelle. -- Il ne faut pas qu'il parte ! s'jcria Milady, oubliant sa prjsence d'esprit accoutumje. -- Soyez tranquille, rjpondit Felton, il ne partira pas. " Milady tressaillit de joie ; elle venait de lire au plus profond du coeur du jeune homme : la mort de Buckingham y jtait jcrite en toutes lettres. " Felton... , dit-elle, vous ktes grand comme Judas Macchabje ! Si vous mourez, je meurs avec vous : voila tout ce que je puis vous dire. -- Silence ! dit Felton, nous sommes arrivjs. " En effet, on touchait au sloop. Felton monta le premier a l'jchelle et donna la main a Milady, tandis que les matelots la soutenaient, car la mer jtait encore fort agitje. Un instant apris ils jtaient sur le pont. " Capitaine, dit Felton, voici la personne dont je vous ai parlj, et qu'il faut conduire saine et sauve en France. -- Moyennant mille pistoles, dit le capitaine. -- Je vous en ai donnj cinq cents. -- C'est juste, dit le capitaine. -- Et voila les cinq cents autres, reprit Milady, en portant la main au sac d'or. -- Non, dit le capitaine, je n'ai qu'une parole, et je l'ai donnje a ce jeune homme ; les cinq cents autres pistoles ne me sont dues qu'en arrivant a Boulogne. -- Et nous y arriverons ? -- Sains et saufs, dit le capitaine, aussi vrai que je m'appelle Jack Buttler. -- Eh bien, dit Milady, si vous tenez votre parole, ce n'est pas cinq cents, mais mille pistoles que je vous donnerai. -- Hurrah pour vous alors, ma belle dame, cria le capitaine, et puisse Dieu m'envoyer souvent des pratiques comme Votre Seigneurie ! -- En attendant, dit Felton, conduisez-nous dans la petite baie de Chichester, en avant de Portsmouth ; vous savez qu'il est convenu que vous nous conduirez la. " Le capitaine rjpondit en commandant la manoeuvre njcessaire, et vers les sept heures du matin le petit bvtiment jetait l'ancre dans la baie djsignje. Pendant cette traversje, Felton avait tout racontj a Milady : comment, au lieu d'aller a Londres, il avait frjtj le petit bvtiment, comment il jtait revenu, comment il avait escaladj la muraille en plazant dans les interstices des pierres, a mesure qu'il montait, des crampons, pour assurer ses pieds, et comment enfin, arrivj aux barreaux, il avait attachj l'jchelle, Milady savait le reste. De son cftj, Milady essaya d'encourager Felton dans son projet ; mais aux premiers mots qui sortirent de sa bouche, elle vit bien que le jeune fanatique avait plutft besoin d'ktre modjrj que d'ktre affermi. Il fut convenu que Milady attendrait Felton jusqu'a dix heures ; si a dix heures il n'jtait pas de retour, elle partirait. Alors, en supposant qu'il fyt libre, il la rejoindrait en France, au couvent des Carmjlites de Bjthune. CHAPITRE LIX. CE QUI SE PASSAIT A PORTSMOUTH LE 23 AOUT 1628 Felton prit congj de Milady comme un frire qui va faire une simple promenade prend congj de sa soeur en lui baisant la main. Toute sa personne paraissait dans son jtat de calme ordinaire : seulement une lueur inaccoutumje brillait dans ses yeux, pareille a un reflet de fiivre ; son front jtait plus pvle encore que de coutume ; ses dents jtaient serrjes, et sa parole avait un accent bref et saccadj qui indiquait que quelque chose de sombre s'agitait en lui. Tant qu'il resta sur la barque qui le conduisait a terre, il demeura le visage tournj du cftj de Milady, qui, debout sur le pont, le suivait des yeux. Tous deux jtaient assez rassurjs sur la crainte d'ktre poursuivis : on n'entrait jamais dans la chambre de Milady avant neuf heures ; et il fallait trois heures pour venir du chvteau a Londres. Felton mit pied a terre, gravit la petite crkte qui conduisait au haut de la falaise, salua Milady une derniire fois, et prit sa course vers la ville. Au bout de cent pas, comme le terrain allait en descendant, il ne pouvait plus voir que le mvt du sloop. Il courut aussitft dans la direction de Portsmouth, dont il voyait en face de lui, a un demi-mille a peu pris, se dessiner dans la brume du matin les tours et les maisons. Au-dela de Portsmouth, la mer jtait couverte de vaisseaux dont on voyait les mvts, pareils a une forkt de peupliers djpouilljs par l'hiver, se balancer sous le souffle du vent. Felton, dans sa marche rapide, repassait ce que dix annjes de mjditations ascjtiques et un long sjjour au milieu des puritains lui avaient fourni d'accusations vraies ou fausses contre le favori de Jacques VI et de Charles Ier. Lorsqu'il comparait les crimes publics de ce ministre, crimes jclatants, crimes europjens, si on pouvait le dire, avec les crimes privjs et inconnus dont l'avait chargj Milady, Felton trouvait que le plus coupable des deux hommes que renfermait Buckingham jtait celui dont le public ne connaissait pas la vie. C'est que son amour si jtrange, si nouveau, si ardent, lui faisait voir les accusations infvmes et imaginaires de Lady de Winter, comme on voit au travers d'un verre grossissant, a l'jtat de monstres effroyables, des atomes imperceptibles en rjalitj aupris d'une fourmi. La rapiditj de sa course allumait encore son sang ; l'idje qu'il laissait derriire lui, exposje a une vengeance effroyable, la femme qu'il aimait ou plutft qu'il adorait comme une sainte, l'jmotion passje, sa fatigue prjsente, tout exaltait encore son vme au-dessus des sentiments humains. Il entra a Portsmouth vers les huit heures du matin ; toute la population jtait sur pied ; le tambour battait dans les rues et sur le port ; les troupes d'embarquement descendaient vers la mer. Felton arriva au palais de l'Amirautj, couvert de poussiire et ruisselant de sueur ; son visage, ordinairement si pvle, jtait pourpre de chaleur et de colire. La sentinelle voulut le repousser ; mais Felton appela le chef du poste, et tirant de sa poche la lettre dont il jtait porteur : " Message pressj de la part de Lord de Winter " , dit-il. Au nom de Lord de Winter, qu'on savait l'un des plus intimes de Sa Grvce, le chef de poste donna l'ordre de laisser passer Felton, qui, du reste, portait lui-mkme l'uniforme d'officier de marine. Felton s'jlanza dans le palais. Au moment oshch il entrait dans le vestibule un homme entrait aussi, poudreux, hors d'haleine, laissant a la porte un cheval de poste qui en arrivant tomba sur les deux genoux. Felton et lui s'adressirent en mkme temps a Patrick, le valet de chambre de confiance du duc. Felton nomma le baron de Winter, l'inconnu ne voulut nommer personne, et prjtendit que c'jtait au duc seul qu'il pouvait se faire connaotre. Tous deux insistaient pour passer l'un avant l'autre. Patrick, qui savait que Lord de Winter jtait en affaires de service et en relations d'amitij avec le duc, donna la prjfjrence a celui qui venait en son nom. L'autre fut forcj d'attendre, et il fut facile de voir combien il maudissait ce retard. Le valet de chambre fit traverser a Felton une grande salle dans laquelle attendaient les djputjs de La Rochelle conduits par le prince de Soubise, et l'introduisit dans un cabinet oshch Buckingham, sortant du bain, achevait sa toilette, a laquelle, cette fois comme toujours, il accordait une attention extraordinaire. " Le lieutenant Felton, dit Patrick, de la part de Lord de Winter. -- De la part de Lord de Winter ! rjpjta Buckingham, faites entrer. " Felton entra. En ce moment Buckingham jetait sur un canapj une riche robe de chambre brochje d'or, pour endosser un pourpoint de velours bleu tout brodj de perles. " Pourquoi le baron n'est-il pas venu lui-mkme ? demanda Buckingham, je l'attendais ce matin. -- Il m'a chargj de dire a Votre Grvce, rjpondit Felton, qu'il regrettait fort de ne pas avoir cet honneur, mais qu'il en jtait empkchj par la garde qu'il est obligj de faire au chvteau. -- Oui, oui, dit Buckingham, je sais cela, il a une prisonniire. -- C'est justement de cette prisonniire que je voulais parler a Votre Grvce, reprit Felton. -- Eh bien, parlez. -- Ce que j'ai a vous dire ne peut ktre entendu que de vous, Milord. -- Laissez-nous, Patrick, dit Buckingham, mais tenez-vous a portje de la sonnette ; je vous appellerai tout a l'heure. " Patrick sortit. " Nous sommes seuls, Monsieur, dit Buckingham, parlez. -- Milord, dit Felton, le baron de Winter vous a jcrit l'autre jour pour vous prier de signer un ordre d'embarquement relatif a une jeune femme nommje Charlotte Backson. -- Oui, Monsieur, et je lui ai rjpondu de m'apporter ou de m'envoyer cet ordre et que je le signerais. -- Le voici, Milord. -- Donnez " , dit le duc. Et, le prenant des mains de Felton, il jeta sur le papier un coup d'oeil rapide. Alors, s'apercevant que c'jtait bien celui qui lui jtait annoncj, il le posa sur la table, prit une plume et s'apprkta a signer. " Pardon, Milord, dit Felton arrktant le duc, mais Votre Grvce sait-elle que le nom de Charlotte Backson n'est pas le vjritable nom de cette jeune femme ? -- Oui, Monsieur, je le sais, rjpondit le duc en trempant la plume dans l'encrier. -- Alors, Votre Grvce connaot son vjritable nom ? demanda Felton d'une voix brive. -- Je le connais. " Le duc approcha la plume du papier. " Et, connaissant ce vjritable nom, reprit Felton, Monseigneur signera tout de mkme ? -- Sans doute, dit Buckingham, et plutft deux fois qu'une. -- Je ne puis croire, continua Felton d'une voix qui devenait de plus en plus brive et saccadje, que Sa Grvce sache qu'il s'agit de Lady de Winter... -- Je le sais parfaitement, quoique je sois jtonnj que vous le sachiez, vous ! -- Et Votre Grvce signera cet ordre sans remords ? " Buckingham regarda le jeune homme avec hauteur. " Ah za, Monsieur, savez-vous bien, lui dit-il, que vous me faites la d'jtranges questions, et que je suis bien simple d'y rjpondre ? -- Rjpondez-y, Monseigneur, dit Felton, la situation est plus grave que vous ne le croyez peut-ktre. " Buckingham pensa que le jeune homme, venant de la part de Lord de Winter, parlait sans doute en son nom et se radoucit. " Sans remords aucun, dit-il, et le baron sait comme moi que Milady de Winter est une grande coupable, et que c'est presque lui faire grvce que de borner sa peine a l'extradition. " Le duc posa sa plume sur le papier. " Vous ne signerez pas cet ordre, Milord ! dit Felton en faisant un pas vers le duc. -- Je ne signerai pas cet ordre, dit Buckingham, et pourquoi ? -- Parce que vous descendrez en vous-mkme, et que vous rendrez justice a Milady. -- On lui rendra justice en l'envoyant a Tyburn, dit Buckingham ; Milady est une infvme. -- Monseigneur, Milady est un ange, vous le savez bien, et je vous demande sa libertj. -- Ah za, dit Buckingham, ktes-vous fou de me parler ainsi ? -- Milord, excusez-moi ! je parle comme je puis ; je me contiens. Cependant, Milord, songez a ce que vous allez faire, et craignez d'outrepasser la mesure ! -- Plaot-il ?... Dieu me pardonne ! s'jcria Buckingham, mais je crois qu'il me menace ! -- Non, Milord, je prie encore, et je vous dis : une goutte d'eau suffit pour faire djborder le vase plein, une faute ljgire peut attirer le chvtiment sur la tkte jpargnje malgrj tant de crimes. -- Monsieur Felton, dit Buckingham, vous allez sortir d'ici et vous rendre aux arrkts sur-le-champ. -- Vous allez m'jcouter jusqu'au bout, Milord. Vous avez sjduit cette jeune fille, vous l'avez outragje, souillje ; rjparez vos crimes envers elle, laissez-la partir librement, et je n'exigerai pas autre chose de vous . -- Vous n'exigerez pas ? dit Buckingham regardant Felton avec jtonnement et appuyant sur chacune des syllabes des trois mots qu'il venait de prononcer. -- Milord, continua Felton s'exaltant a mesure qu'il parlait, Milord, prenez garde, toute l'Angleterre est lasse de vos iniquitjs ; Milord, vous avez abusj de la puissance royale que vous avez presque usurpje ; Milord, vous ktes en horreur aux hommes et a Dieu ; Dieu vous punira plus tard, mais, moi, je vous punirai aujourd'hui. -- Ah ! ceci est trop fort ! " cria Buckingham en faisant un pas vers la porte. Felton lui barra le passage. " Je vous le demande humblement, dit-il, signez l'ordre de mise en libertj de Lady de Winter ; songez que c'est la femme que vous avez djshonorje. -- Retirez-vous, Monsieur, dit Buckingham, ou j'appelle et vous fais mettre aux fers. -- Vous n'appellerez pas, dit Felton en se jetant entre le duc et la sonnette placje sur un gujridon incrustj d'argent ; prenez garde, Milord, vous voila entre les mains de Dieu. -- Dans les mains du diable, vous voulez dire, s'jcria Buckingham en jlevant la voix pour attirer du monde, sans cependant appeler directement. -- Signez, Milord, signez la libertj de Lady de Winter, dit Felton en poussant un papier vers le duc. -- De force ! vous moquez-vous ? hola, Patrick ! -- Signez, Milord ! -- Jamais ! -- Jamais ! -- A moi " , cria le duc, et en mkme temps il sauta sur son jpje. Mais Felton ne lui donna pas le temps de la tirer : il tenait tout ouvert et cachj dans son pourpoint le couteau dont s'jtait frappje Milady ; d'un bond il fut sur le duc. En ce moment Patrick entrait dans la salle en criant : " Milord, une lettre de France ! -- De France ! " s'jcria Buckingham, oubliant tout en pensant de qui lui venait cette lettre. Felton profita du moment et lui enfonza dans le flanc le couteau jusqu'au manche. " Ah ! traotre ! cria Buckingham, tu m'as tuj... -- Au meurtre ! " hurla Patrick. Felton jeta les yeux autour de lui pour fuir, et, voyant la porte libre, s'jlanza dans la chambre voisine, qui jtait celle oshch attendaient, comme nous l'avons dit, les djputjs de La Rochelle, la traver